mardi 14 février 2012

LE CALENDRIER DE L'AFRIK NOIRE ANTIQUE

Le Calendrier africain antique

Une contribution de Mahougnon S. 
L’Afrique noire antique a, à partir d’une observation rigoureuse de la nature, procédé à une mathématisation du temps. En témoigne ce texte datant de la période pharaonique :

« Heureux jour que soit ce jour distribué en minutes
Heureux jour que soit cette nuit distribuée en ces heures
Heureux jour que soit ce mois distribué en ses quinzaines
Heureux jour que soit cette année distribuée en ses mois
Heureux jour que soit cette éternité distribuée en ses années
Heureux jour que soit cette pérennité ! »[1]

On le voit bien, dans ce texte gravé sur les faces intérieures du mur d’enceinte du temple d’Edfou, le temps est divisé et réparti en unités[2]. Ces unités temporelles sont : la minute, l’heure, le jour (24h), la quinzaine, le mois, l’année, l’éternité ou la pérennité (entendue comme infinité de siècles). L’année négro-pharaonique compte 12 mois et cinq jours épagomènes. Le mois compte 30 jours, ce qui donne un total annuel de 365 jours. Trois saisons rythment le temps annuel : Akhet (Saison de l’Inondation), Péret (Saison de la Germination), Shémou (Saison des récoltes). Le calendrier en usage aujourd’hui est une hérédité de l’Afrique noire antique. Obenga écrit :

« Le calendrier actuel est issu en ligne directe des acquisitions pharaoniques. La chronométrie égyptienne est ainsi devenue, par l’intermédiaire des Romains, un bien universel, et ce n’est pas la seule contribution de la pensée égyptienne à l’histoire générale de l’humanité (…). Les Anciens Egyptiens avaient une grande maitrise du temps plus qu’aucun autre peuple de l’Antiquité dite classique. ».

Winand confirme ce qui précède :

« Le calendrier égyptien est l’ancêtre direct du calendrier julien, et, donc, par ricochet, de notre calendrier. Comme l’étude du vocabulaire le révèle, il est le produit d’une triple observation : celle du cycle solaire, du cycle lunaire et du mouvement des étoiles ».

Le temps est « systématisé abstraitement ». Il ne peut donc être réduit à une entité purement empirique: « Depuis l’antiquité pharaonique, les peuples noirs d’Afrique conçoivent le temps comme une norme transempirique ». Le temps transcende l’instant empirique, l’instant immédiat. Il plonge dans l’éternité, dans le « temps global conçu comme une éternité en train de venir ». Ce qui illustre une fois de plus la dimension linéaire du temps vécu. Il est donc absurde d’affirmer, comme le fait Jean Winand, que « les Egyptiens ne possédaient pas d’ère continue, à l’inverse de certaines civilisations antiques (fondation de Rome, ère des Olympiades) ». Comment admettre qu’un peuple, qui fut l’un des premiers – sinon le premier – à avoir inventé la chronométrie, n’eût pas une idée du temps comme continuum ou l’idée de la continuité du temps ? Mais on peut comprendre l’auteur : l’académisme dogmatique et idéologique dans lequel il exerce son « magister » veut que les sociétés antiques, dans leur grande majorité, et les sociétés abusivement et péremptoirement qualifiées de « primitives », de « sauvages » et de « barbares » soient caractérisées par une vision cyclique du temps. Et ce, en dépit de l’évidence des faits contraires. On contourne ces faits, on les ignore royalement et on défend aveuglement le dogmatisme académique imposé!


[1] Texte transcrit par Etienne Drioton, in Le texte drammatique d’Edfou, Le Caire, IFAO, 1958. Suplément aux « Annales du service des Antiquités de l’Egypte », cahier n. 11, p. 23.
[2] D’autres travaux scientifiques existent sur la mathématisation du temps en Afrique : NIANGORAN-BOUAH, La Division du Temps et le calendrier rituel des peuples lagunaires de Cote d’Ivoire, Paris, Institut d’Ethnologie, 1964 ; Van Bulck, « Conception du Temps et de l’Au-delà en Afrique noire », Revue Zaire, fév. 1956, n. 2. !

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